Libre-échange avec la Chine malgré la torture ? Les ONG remettent une ligne rouge au Seco

25. juin 2024

Il y a dix ans, le 1er juillet, l’accord de libre-échange entre la Suisse et la République populaire de Chine (RPC) entrait en vigueur. Cet accord ne fait aucunement mention des droits de l’homme. Depuis lors, la situation des droits de l’homme en Chine s’est fortement aggravée, en particulier pour les personnes des communautés tibétaine et ouïghoure. Malgré cela, la Suisse souhaite aujourd’hui développer cet accord à la demande des entreprises. La Société d’amitié Suisse-Tibet SAST, la Société pour les peuples menacés, l’Association de la jeunesse tibétaine en Europe (VTJE) et l’Association ouïgoure suisse exigent une ligne rouge claire : pas d’extension de l’accord de libre-échange sans prise en compte des droits de l’homme ! Pour donner plus de poids à cette demande, nous avons remis aujourd’hui une ligne rouge au Seco.

Torture, travail forcé, extermination culturelle : la situation des droits de l’homme en République populaire de Chine (RPC) est grave. Elle s’est fortement aggravée ces dernières années. « Malgré cela, la Suisse veut maintenant resserrer ses liens avec la Chine pour des raisons économiques », critique Anna Leissing, directrice de la Société pour les peuples menacés (SPM). Pourtant, les droits de l’homme, tels qu’ils sont inscrits dans la Constitution fédérale, s’appliquent également à la négociation d’accords de libre-échange. Afin de rappeler au Conseil fédéral son obligation, la SPM et ses organisations partenaires ont remis aujourd’hui au Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) une ligne rouge pour les prochaines négociations avec la Chine : « La Suisse doit enfin prendre ses responsabilités : Une extension de l’accord de libre-échange sans inclure les droits de l’homme ne sera pas à la hauteur de cette responsabilité », demande Rizwana Ilham, présidente de l’Association ouïghoure de Suisse.

La Suisse est le seul pays du continent européen à avoir conclu un accord de libre-échange avec la Chine. Les partenaires commerciaux les plus proches de la Suisse en Europe, ainsi que les Etats-Unis, prennent de plus en plus de sanctions contre le gouvernement chinois afin de le rendre responsable de ses violations des droits de l’homme. « Ce n’est pas le cas de la Suisse, qui continue de faire passer ses intérêts commerciaux avant les droits de l’homme », explique Londen Thoding de l’association Jeunesse tibétaine en Europe. « C’est pourquoi nous demandons à la Suisse de tracer enfin une ligne rouge dans ses discussions avec la Chine sur les droits de l’homme », déclare Nordoen Pema, membre du comité directeur de l’Association pour l’amitié helvético-tibétaine.

La Chine bafoue les droits de l’homme

Répression contre la communauté tibétaine : au printemps 2024, plus d’un millier de personnes, dont des nonnes et des moines, ont été arrêtées lors de manifestations contre le projet de construction d’une centrale hydroélectrique dont la mise en service nécessite l’inondation de plusieurs villages et monastères tibétains d’une grande importance historique. Jusqu’à un million d’élèves tibétains âgés de 4 ans et plus – soit plus de 80% de tous les enfants tibétains en âge d’être scolarisés – sont contraints de fréquenter des internats loin de leur famille, où seule la langue et la culture chinoises leur sont enseignées.

Répression contre la communauté ouïghoure au Turkestan oriental (Xinjiang) : Ces dernières années, la détention d’environ un million de personnes dans des camps dits de « rééducation », où elles sont endoctrinées et parfois torturées et violées, a fait la une des journaux du monde entier. Alors que certains de ces camps ont récemment été fermés en raison de la pression internationale, la population ouïghoure est également surveillée à l’extérieur. Les anciens détenus des camps sont assignés à résidence, condamnés à de longues peines de prison ou soumis à des travaux forcés. De plus, il est documenté que le gouvernement chinois a provoqué un changement dramatique de la composition démographique de la région par le biais de stérilisations forcées et d’autres mesures de contrôle des naissances chez les femmes ouïghoures.

De gauche à droite : Anna Leissing, directrice de la SPM, Helene Budliger Artieda, directrice du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), Londen Thoding, Association de la jeunesse tibétaine en Europe (VTJE), Rizwana Ilham, présidente de l’Association ouïghoure de Suisse, Ben Zumbühl, président de Campax et Nordoen Pema, membre du comité directeur de la Société d’amitié Suisse-Tibet. Remise d’une ligne rouge au Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) le mardi 25 juin 2024. Avec ses organisations partenaires ouïghoures et tibétaines, la Société pour les peuples menacés demande une ligne rouge claire : pas d’extension de l’accord de libre-échange sans prise en compte des droits humains. Pour donner du poids à cette revendication, la Société pour les peuples menacés SPM remet symboliquement une ligne rouge aux autorités suisses devant le Seco à Berne. Image : Susanne Goldschmid/Ex-Press